Texte 5 : Racine, Phèdre : acte II, scène 5

Introduction

Phèdre est une pièce de Racine datant de 1677, c'est une de ses dernières pièces. Phèdre, la femme de Thésée, roi d'Athènes des temps mythiques (environ 1200 avant Jésus-Christ), aime Hippolyte, le fils d'un précédent mariage de Thésée. Au début de la pièce, nous apprenons par ses confidences à Œnone qu'elle aime Hippolyte. Durant l'acte 2 : on apprend la fausse mort de Thésée, Phèdre se croit donc veuve, elle affirme son amour envers Hippolyte de manière masquée. Une gloire désigne un honneur dans ce texte, la fureur désigne la passion et le "monstre qui t'irrite" désigne Phèdre. La tonalité de l'amour et la tonalité de la mort sont présentes : Phèdre demande la mort, elle va se retrouver très très mal : elle est compromise aux yeux d'Hippolyte, elle va maudir son fils. Thésée certain de la responsabilité de son fils, va demander à son père, Poséidon, dieu de la mer, de tuer Hippolyte.Alors que le jeune homme conduisait son char le long de la côte, Poséidon envoya un monstre qui effraya ses chevaux!; ceux-ci se désunirent, fracassant le char. Mortellement blessé, Hippolyte fut ramené à son père, qui avait appris entre-temps d'Artémis que son fils était innocent. Hippolyte mourant et son père éploré se réconcilièrent. Phèdre prise de remords s'est suicidée. Le drame de Phèdre c'est de subir une passion qu'elle n'accepte pas et qui la détruit. Le texte est organisé de la façon suivante : vers 8 à 14 : c'est l'aveu ; vers 15 à 20 : Phèdre se reconnaît comme le jouet de Dieu ; vers 21 à 30 : elle va rappeller les efforts qu'elle a effectuée pour s'échapper de cet amour ; et du vers 37 juqu'à la fin de cet extrait : Phèdre appelle la mort qu'elle veut recevoir d'Hippolyte. Nous commencerons par étudier les aveux de Phèdre puis nous étudierons pouquoi Phèdre se perçoit comme un monstre et enfin nous montrerons qu'elle est l'objet de la fatalité.

I - Aveux de Phèdre

Elle se croyait jeune. Vers 8 : la perspective du départ d'Hippolyte l'amène à se réveiller. Elle passe du vous au tu, cette transition marque le début de ses aveux. Elle qualifie Hippolyte de "cruel" parce qu'elle lui affirme un amour impossible, celui qu'on aime fait souffrir. Le terme "cruel" fait parti du vocabulaire galant. L'exclamation "tu m'as trop entendue !" appartient au vocabulaire de la révélation, entendre est à prendre au sens littéraire, c'est à dire celui de comprendre, vouloir dire. "Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur" (vers 9) : pour te dire la vérité, il a tous les éléments pour comprendre. Vers 10 et 11 : le terme "fureur" désigne sa passion amoureuse, "connais donc Phèdre" = saches qui est Phèdre, elle passe de "J'aime !" à "je t'aime" : c'est un aveu qui lui est comme arraché : vers 32 : "cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?". Phèdre elle-même a un fils : "tremblante pour un fils" (vers 33). Elle vient d'apprendre la fausse mort de Thésée et elle a peur qu'Hippolyte appelé à succéder à son père l'écarte de la succession. En fait, ses "faibles projets" (vers 35) de parler de son fils ne sont pas faibles : elle ne tient pas : "un cœur trop plein de ce qu'il aime" (vers 35). Son aveu est involontaire, c'est une passion qui la domine et qui est plus forte que son amour maternel. Passion vient du latin patium qui signifie souffrir, et cette souffrance est plus forte qu'elle et elle destructrice d'abord pour elle-même. Le terme "fureur" au vers 10 désigne cette passion. Au vers 28 : le verbe languir ("j'ai langui") montre combien elle est déprimée et accablée, "j'ai séché" montre son assèchement, la perte de sa vie et le terme "feux" est l'image du feu qui la brûle, le terme "larmes" opposé à "feux" montre bien que son feu intérieur l'assèche complètement. Son bouleversement intérieur qui est aussi bien physique que moral montre qu'elle est en dépression. Le vocabulaire de la folie au vers 13 montre que la passion l'emporte sur la raison. Vers 18 : "le feu fatal" désigne ici l'amour, le feu de la passion : vocabulaire précieux, galant du 18e siècle. Au vers 37 : le terme "odieux amour" est a relié à la haine. La réaction de Phèdre c'est la fuite : vers 22 et 23 : la gradation entre les verbes "fui" et "chasser" montre qu'elle a voulu s'éloigner le plus possible de son fils. La gradation de "odieux", "haine", "inhumaine" marque qu'elle veut se mettre à côté de l'humanité. "J'ai voulu" le marque bien. Mais même dans cette volonté : elle est réduite à néant : au vers 25 : "inutiles soins" montre l'inutilité de ses efforts. Sa volonté elle-même est réduite à néant, elle ne peut pas. Racine fait une analyse extrêmement fine sur ce que produit la passion dans le cœur humain et sur ce à quoi peut mener la passion.

II - Phèdre se perçoit comme un monstre

Phèdre ne se supporte plus, elle est comme aliénée, étrangère à elle-même. Elle se perçoit comme un monstre (qui est différent des autres), elle est pour elle-même un objet de haine : voir vers 16, avec l'opposition entre les termes "abhorré" et "détester". Elle recherche même la haine des autres : "J'ai recherché ta haine" (vers 24). Au vers 39, elle se désigne clairement comme un monstre en hyperbolisant son image de monstre : elle dit à Hippolyte : "délivre l'univers" au lieu de délivre Athènes.

Phèdre c'est une abomination de l'inceste, qui fait parti des sujets "tabous". Elle exprime en elle-même cet interdit, et il faut comme en purger l'univers. Celà la met à un niveau mythique, de ceux qui ont eu un tête à tête avec le destin. L'adjectif "affreux" (vers 41) permet de se rendre encore plus monstrueuse. Le mot "monstre" encadre l'interdit. Phèdre insiste sur le fait qu'elle est "la veuve de Thésée" (vers 40). Phèdre continue de se mépriser : vers 47 : "sang trop vil", c'est à dire sang méprisable. Quelquepart, elle est aussi un monstre par son désir masochiste de souffrir : vers 46 : "supplice si doux". Elle veut mourir de la main d'Hippolyte. Elle mélange le vocabulaire de l'amour et de la mort : voir vers 42. Le vers 48 nous fait penser que pour Phèdre ce serait presque pareil que ce soit son épée ou sa main : elle doit penser que son épée est le prolongement de son bras. Phèdre vient au devant : au vers 43 : on remarque une espèce d'offrande qui pourrait être aussi bien pour l'amour que pour la mort : on a une ambiguïté. L'amour est un don ici (cf dernier vers) : au moment même où elle demande de la tuer, elle lui demande l'amour.

III - Phèdre est le jouet de la fatalité

Le vers 15 : "objet infortuné des vengeances célestes" et le vers 17 : "Les dieux m'en sont témoins" donnent l'impression que les Dieux étaient à l'origine de cette situation. Phèdre fait parti d'une famille qui est maudite par les Dieux.

Les vers 19 et 20 montrent que face à cette fatalité, elle est condamnée à mourir : "... gloire cruelle" / "... cœur d'une faible mortelle", ceci annonce son suicide final. Hippolyte qui n'a pas voulu être l'instrument de la fatalité, la subira tout de même : il sera tué par un monstre qui l'a rattrapé au bord du rivage : le monstre a provoqué un accident avec son char, quelquepart ce monstre est la métaphore de Phèdre, Hippolyte est en quelquesorte noyé par la passion que lui porte Phèdre. Le climat de destruction touche encore toute une famille comme dans Antigone.

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