1913 : Naissance, le 7 novembre, d'Albert Camus à Mondovi, petit village du Constantinois, près
de Bône (Algérie). 1914 : Camus ne connaîtra pas son père, ouvrier caviste : Lucien Camus, mobilisé et blessé à la bataille de la Marne en septembre 1914, meurt à l'hôpital militaire de Saint-Brieuc à l'âge de 28 ans : de son père, il ne connaîtra qu'une photographie, et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale. Albert Camus, élevé par sa mère mais surtout par une grand-mère autoritaire, et par un oncle boucher, lecteur de Gide, « apprend la misère » dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger où ils ont émigrés : « La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. » Sa mère, Catherine Sintès, d'origine espagnole, fait des ménages pour nourrir ses deux fils, Lucien et Albert. Camus éprouve pour pour elle une affection sans bornes, mais il n'y aura jamais de véritable communication entre l'enfant et cette mère exténuée par le travail, à demi-sourde et presque analphabète. À sa mère qui parlait peu et difficilement, « qui ne savait même pas lire », le lie « toute sa sensibilité » ; on peut penser qu'une partie de l'œuvre s'est édifiée pour tenter d'équilibrer cette absence et ce silence, ou de leur répondre. |
A la Boucherie de l'oncle de Camus en 1920 : Camus est au premier plan, au centre, avec une blouse noire. |
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1923/1924 : A l'école communale, au CM2, un instituteur, Louis Germain (Le discours de Suède (1957), lors de la remise du prix Nobel de littérature, sera dédié à l'instituteur grâce à qui il put poursuivre des études.), distingue l'enfant, conscient des facultés intellectuelles de l'enfant, il le fait travailler bénévolement après les heures de classe, et convainc sa famille de présenter le jeune écolier au concours des bourses qui allait lui permettre d'aller au lycée. Reçu, Camus entre au lycée Bugeaud d'Alger en 1924. |
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Camus est un adolescent heureux de vivre, sensuel, amoureux de la mer et des paysages algériens. Excellent nageur, c'est pourtant le football qui a sa préférence.
1928 : il entre au Racing Universitaire d'Alger
1929
: Camus lit Gide
1930 : Il passe son baccalauréat. Premières atteintes de la tuberculose, maladie qui lui fait
brutalement prendre conscience de l'injustice faite à l'homme ( la mort est le plus grand scandale de la
création ) et qui aiguise son appétit de vivre dans le seul monde qui nous soit donné : dès
sa première manifestation, la maladie lui apprend qu'il est seul, et mortel.
1931 : A la khâgne ( = Classe préparatoire à l'Ecole normale supérieure) d'Alger,
il rencontre le professeur et philosophe Jean Grenier qui a une influence déterminante sur sa formation.
1932 : Premiers essais, premiers écrits publiés dans la revue Sud.
1933 : Étude de philosophie à la faculté d'Alger. Milite contre le fascisme.
1934 : Mariage en juin avec Simone Hié. Ils se sépareront deux ans plus tard. Adhésion
au parti communiste.
1936 : Camus ayant achevée sa licence de philosophie, il prépare son diplôme d'études
supérieures sur « les rapports du néoplatonisme et de la métaphysique chrétienne ».
1937 : Les premières atteintes d'une tuberculose, qui le contraindra à de fréquents
repos en cure, lui ferment l'accès à l'agrégation (il est rejeté deux fois à
l'examen médical) et du professorat auquel il se destinait. Il doit rompre avec le parti communiste qui
le somme de réviser ses convictions, favorables aux revendications musulmanes.
1938/1940 : Camus, qui revendique son statut d'intellectuel, mais qui se veut également en prise
directe avec le réel, trouve dans le journalisme un autre mode d'action et d'expression qui lui convient
; Camus fonde, avec Pascal Pia qui en est l'instigateur, le journal Alger républicain qui aussitôt
tranche avec le silence complice des autres quotidiens. Camus fait scandale par ses prises de position contre l'oppression
coloniale, contre une tutelle qui maintient dans la misère et l'asservissement du peuple musulman, il publie,
dans les colonnes d'Alger républicain , puis de Soir républicain, organe du Front populaire,
plus de cent articles : politique locale ou nationale, chroniques judiciaires et littéraires, reportages,
dont l'important « Misère de la Kabylie ».
1940 : Camus quitte l'Algérie pour la France avec sa seconde femme ; mis à part un long séjour
l'année suivante, il n'y reviendra plus que de loin en loin, mais les images lumineuses qu'il garde de sa
terre natale continueront de vivre en lui, comme le montre L'Été (1954). Là, il est
engagé au journal Paris-Soir en tant que secrétaire qu'il suit Clermont-Ferrand après
l'armistice, puis à Lyon.
1941 : Entre dans la
Résistance à l'intérieur du réseau Combat où il sera chargé de
missions de renseignements. Il sera l'âme de ce journal clandestin dont il assume la direction jusqu'en 1947.
août 1944 : Camus devient le rédacteur en chef du journal Combat. Les articles très
remarqués qu'il publie désormais seront rassemblés sous le titre d'Actuelles (1950
et 1953).
1945 : Camus dénonce la paix revenue, la sauvagerie de la justice sommaire d'après-guerre
(à l'encontre des ex-collaborateurs) et les massacres de Sétif.
1947 : Il dénonce les massacres de Madagascar : « nous faisons dans ces cas-là
ce que nous avons reproché aux Allemands de faire ».
La cessation des activités journalistiques ne marque pas, loin s'en faut, la fin de l'engagement. Camus
a toujours fait entendre sa voix et pris position dans l'Histoire, inlassablement lutté pour la justice
et la défense de la dignité humaine :
1949 : appel en faveur des communistes grecs condamnés à mort
1952 : démission de l'Unesco, qui admet en son sein l'Espagne franquiste
Mai 1955-février 1956 : Camus écrit dans L'express des chroniques où il traite de la
crise algérienne ( ces « papiers » seront réunis plus tard et publiés
sous le titre d'Actuelles III ).
1956 : Protestation contre la répression soviétique en Hongrie.
22 janvier : Camus lance un appel pour une trêve civile en Algérie. Appel qui ne rencontre
aucun écho. De part et d'autre, les positions se durcissent, les actes de terrorisme se multiplient, le
conflit se généralise. Camus invite les intellectuels à protester à l'O.N.U.
1936/1939 - Fondateur et directeur de troupe (Camus a fondé le Théâtre du Travail en 1936, afin de mettre les œuvres dramatiques classiques et contemporaines à la portée du public défavorisé, qui deviendra le Théâtre de l'Equipe en 1937), acteur, metteur en scène, adaptateur, Camus est un homme de théâtre au sens plein ; son goût passionné du théâtre, dans ce qu'il a de plus concret, rejoint celui de la fête collective, où l'être peut dépasser sa solitude et forme une des constantes de sa vie et de son œuvre, attestée par ses créations originales, et ses magistrales adaptations, comme Le temps du mépris de Malraux, le Prométhée d'Eschyle, Les bas-fonds de Gorki, Le retour de l'enfant prodigue de Gide, Les frères Karamazov de Dostoïevski, mise en scène en 1938, dans l'adaptation de Copeau, etc. Rédaction collective d'une pièce militante, Révolte dans les Asturies. Tournées en Algérie.
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Photo typique d'un marché algérien. |
1937 : L'apprentissage du réel se fait avec difficulté, comme le prouvent ses tout premiers
écrits consacrés au « quartier pauvre » – dont certains ont été
publiés de manière posthume – mais aussi avec la « joie profonde » d'écrire.
Les récits mi-autobiographiques, mi-symboliques de L'Envers et l'Endroit disent qu'« amour
de vivre » et « désespoir de vivre » sont inséparables, que tout
notre « royaume est de ce monde », affirment la pleine conscience de la solitude de l'homme,
le tragique de son face-à-face avec la nature, et la volonté de « tenir les yeux ouverts
sur la lumière comme sur la mort ». Camus livre quelques clés essentielles de son univers.
L'Envers et l'Endroit est une série d'essais littéraires variés où apparaissent
déjà les grands thèmes de sa maturité : la mort, le soleil, la Méditerranée,
l'isolement, le destin de l'homme, le rapprochement entre désespoir et bonheur, etc.
Élaboration de son premier roman, La mort heureuse (1936 - 1939), roman resté inédit
jusqu'en 1971, qui en revanche, est un échec, ou une erreur ; en dépit de fragments réussis,
dont L'Étranger se souviendra, le roman manque de la nécessité interne que connaîtra
toute l'œuvre à venir. Son héros, modèle d'égotisme, figure très nietzschéenne,
est bien éloigné de toute préoccupation historique.
1939 : Publication des Noces (essai) : Plus lyriques, les essais de Noces orchestrent ces
thèmes qu'ils inscrivent avec bonheur dans les paysages méditerranéens ; ils chantent la « gloire
d'aimer sans mesure », la contemplation exaltée du monde, la vérité du soleil,
de la mer, de la mort. La présence d'une subjectivité vivante, d'un « je »
qui décrit ou médite, évite toute abstraction, et ouvre la voie aux personnages-narrateurs
des romans, et au « je » des textes philosophiques.
1940 : Travaille aux « trois Absurdes » : L'étranger ( un roman ), Le
mythe de Sisyphe ( un essai ) et Caligula ( une pièce de théâtre ). Le « cycle »
est achevé le 21 février 1941. Remariage avec Francine Faure qui lui donnera deux enfants, Catherine
et Jean.
1942 : Publication de L'étranger ( 15 juin ) et du Mythe de Sisyphe ( 16 octobre )
qui salue la naissance d'un grand écrivain.
1943 : Rencontre avec Sartre. Camus devient lecteur chez Gallimard. Publication clandestine des premières
Lettres à un ami allemand. Première version de La Peste. 1944 : Le Malentendu (théâtre) 1945 : Première représentation de Caligula avec Gérard Philipe. 1946 : Voyage aux Etats-Unis 1947 : Publication de La peste ( 10 juin ), roman qui rencontre immédiatement un grand succès auprès du public et qui reçoit le prix des Critiques. 1948 : Première représentation de L'Etat de Siège |
Francine et Albert Camus avec leurs jumeaux : Catherine (dans les bras de sa maman) et Jean (dans les bras de son papa). Hiver 1945-1946 |
1957 : L'exil et le royaume. (nouvelles) Réflexions sur la peine capitale ( vibrant plaidoyer contre la violence « légale », contre la peine de mort ) en collaboration avec Arthur Koestler. Représentation du Chevalier d'Olmedo ( adaptation de la pièce de Lope de Vega ) au festival d'Angers ( juin ). |
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10 décembre : Camus obtient le prix Nobel de littérature « pour l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant, les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes ». |
Décembre 1957, Stockholm : |
4 janvier 1960 : mort d'Albert Camus dans un accident de voiture près de Sens, au lieu-dit « Le Grand Frossard » en Montereau, dans l'automobile de Michel Gallimard, en pleine gloire, alors qu'il travaillait à un autre roman à caractère autobiographique, le Premier Homme (posthume, 1994) |
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La carrière de Camus est donc celle d'un psychologue et d'un moraliste. Dans son exigence de probité, avec une réserve et une sobriété toutes classiques, il accorde la première place aux idées et refuse de sacrifier à la magie du style. Pourtant ce serait une erreur de méconnaître la variété et l'exacte appropriation de son art d'écrivain. Sans doute a-t-il su nous imposer dans L'étranger et La Peste ce style neutre, impersonnel, tout en notations sèches et monotones, qui est devenu inséparable du climat de l'absurde ; mais on découvre aisément dans son œuvre des résurgences de l'aptitude poétique à traduire les sensations dans leur pleine saveur qui triomphait dans Noces (1938), un des premiers essais où avant l'amère découverte de l'absurde, le jeune Camus célébrait avec fougue ses « noces avec le monde » . Et l'on sera sensible à l'ironie et à l'humour qui jettent çà et là de discrètes lueurs, avant de briller de tout leur éclat dans La Chute (1956), œuvre étrange et séduisante dont la verve et le rythme capricieux font songer à la « satire » du Neveu de Rameau.