Remarque : le numéro des pages correspond à l'édition Folio.
« Un moment après, elle [Marie] m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu
que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non. Elle a eu l'air triste. » (I, ch. 4,
p.59)
« Il [mon patron] m'a demandé alors si je n'étais pas intéressé par un changement
de vie. J'ai répondu qu'on ne changeait jamais de vie, qu'en tout cas toutes se valaient et que la mienne
ici ne me déplaisait pas du tout. » (I, ch. 5, p. 68)
« Il [Raymond] m'a demandé encore si je voulais être son copain. J'ai dit que ça
m'était égal : il a eu l'air content. » (I, ch. 3, p. 49)
« Après le déjeuner, je me suis ennuyé un peu et j'ai erré dans l'appartement.
[...] J'ai pensé que c'était toujours un dimanche de tiré, que maman était maintenant
enterrée, que j'allais reprendre mon travail et que, somme toute, il n'y avait rien de changé. »
(I, ch.1, pp. 36 à 41)
« Il [Salamano] m'ennuyait un peu, mais je n'avais rien à faire et je n'avais pas sommeil. Pour
dire quelque chose, je l'ai interrogé sur son chien. » (I, ch. 5, p. 73)
« A part ces ennuis, je n'étais pas trop malheureux. Toute la question, encore une fois, était
de tuer le temps. » (II, ch. 2, p. 122)
« Alors, ils restent tous les deux sur le trottoir et ils se regardent, le chien avec terreur, l'homme
avec haine. C'est ainsi tous les jours. [...] Il y a huit ans que cela dure. » (I, ch. 3, p. 46)
« Il [Salamano] n'avait pas été heureux avec sa femme, mais, dans l'ensemble, il s'était
bien habitué à elle. » (I, ch. 5, p. 74)
« D'ailleurs, ai-je ajouté, il y avait longtemps qu'elle [maman] n'avait rien à me
dire et qu'elle s'ennuyait toute seule. » (I, ch. 5, p. 75)
« Déjà collée contre la grille, elle [Marie] me souriait de toutes ses forces.
Je l'ai trouvée très belle, mais je n'ai pas su le lui dire. [...] Elle a crié de nouveau
: « Tu sortiras et on se mariera ! » J'ai répondu : « Tu crois ? »
mais c'était surtout pour dire quelque chose. » (II, ch. 2, pp. 116-117)
« Le président a répondu [...] qu'il serait heureux [...] de me faire présenter
les motifs de mon acte. J'ai dit rapidement, en mêlant un peu les mots et en me rendant compte de mon ridicule,
que c'était à cause du soleil. Il y a eu des rires dans la salle » (II, ch. 4, p. 158)
« C'étaient d'abord des familles allant en promenade, deux petits garçons en costume marin, la culotte au-dessous du genou, un peu empêtrés dans leurs vêtements raides, et une petite fille avec un gros noeud rose et des souliers vernis. Derrière eux, une mère énorme, en robe de soie marron, et le père, un petit homme assez frêle que je connais de vue. Il avait un canotier, un noeud papillon et une canne à la main. En le voyant avec sa femme, j'ai compris pourquoi dans le quartier on disait de lui qu'il était distingué. » (I, ch. 2, p. 37)
« Sans transition, il [le juge] m'a demandé si j'aimais maman. J'ai dit : "Oui, comme
tout le monde", et le greffier, qui jusqu'ici tapait régulièrement sur sa machine, a dû
se tromper de touches, car il s'est embarrassé et a été obligé de revenir en arrière. »
(II, ch. 1, p. 105)
« L'avocat levait les bras et plaidait coupable, mais avec excuses. Le procureur tendait ses mains et
dénonçait la culpabilité, mais sans excuses. » (II, ch. 4, p. 151).
« [...] j'ai essayé d'écouter encore parce que le procureur s'est mis à parler
de mon âme. Il disait qu'il s'était penché sur elle et qu'il n'avait rien trouvé, messieurs
les jurés. » (II, ch. 4, p. 155)
« [Le juge] m'a exhorté une dernière fois, dressé de toute sa hauteur, en me demandant si je croyais en Dieu. J'ai répondu que non. Il s'est assis avec indignation. Il m'a dit que c'était impossible, que tous les hommes croyaient en Dieu, même ceux qui se détournaient de son visage. C'était là sa conviction et, s'il devait jamais en douter, sa vie n'aurait plus de sens. "Voulez-vous, s'est-il exclamé, que ma vie n'ait pas de sens ?" A mon avis, cela ne me regardait pas et je le lui ai dit. » (II, ch. 1, p. 108)
« J'avais tout le ciel dans les yeux et il était bleu et doré. Sous ma nuque, je sentais
le ventre de Marie battre doucement. Nous sommes restés longtemps sur la bouée, à moitié
endormis. » (I, ch. 2, p. 34)
« Hier, c'était samedi et Marie est venue, comme nous en étions convenus. J'ai eu très
envie d'elle parce qu'elle avait une belle robe à raies rouges et blanches et des sandales de cuir. On devinait
ses seins durs et le brun du soleil lui faisait un visage de fleur. » (I, ch. 4, p. 57)
« J'avais laissé ma fenêtre ouverte et c'était bon de sentir la nuit d'été
couler sur nos corps bruns. » (I, ch. 4, p. 58)
« Dans l'onscurité de ma prison roulante, j'ai retrouvé un à un, comme du fond de ma fatigue, tous les bruits familiers d'une ville que j'aimais et d'une certaine heure où il m'arrivait de me sentir content. Le cri des vendeurs de journaux dans l'air déjà détendu, les derniers oiseaux dans le square, l'appel des marchands de sandwiches, la plainte des tramways dans les hauts tournants de la ville et cette rumeur du ciel avant que la nuit bascule sur le port, tout cela recomposait pour moi un itinéraire d'aveugle, que je connaissais bien avant d'entrer en prison. » (II, ch. 3, pp. 148-149)